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Romans et Lectures - Blog de lecture
2 août 2009

Rocher de Brighton - Graham Greene

J'ai enfin fini "Rocher de Brighton". Plusieurs fois, j'ai failli abandonner ma lecture, mais chaque fois, je me suis remis à l'ouvrage, finissant par me convaincre qu'un tel roman, aussi noir et difficile soit-il, méritait bien quelques sacrifices...

Rocher de Brighton - Graham Greene

Car le roman de Graham Greene est plutôt difficile. Non pas que l'écriture soit particulièrement complexe, mais ce long roman est très sombre et l'on ne s'identifie guère aux personnages. "Rocher de Brighton" est peuplé de femmes faciles et de malfrats. Pinkie, dit aussi "Le Gamin", jeune chef de bande et personnage principal du roman, est particulièrement retors et mauvais :

"Son imagination ne s'était jamais éveillée. C'était là sa force. Il ne pouvait pas voir avec les yeux des autres, ou sentir avec leurs nerfs. Seule la musique le mettait mal à l'aise, les boyaux de chat lui vibraient dans le coeur ; c'était comme l'âge qui vient, l'expérience des autres, qui martèle le cerveau." (p. 106)

Les personnages du roman ne sont cependant pas tous mauvais  : notamment Ida, chanteuse de cabaret voulant confondre Pinkie, et Rose, jeune fille effacée tombée sous le charme cruel du Gamin. Il faut cependant noter que Greene s'évertue à écorner l'image de ses deux figures féminines : Ida est certes une justicière, mais elle représente aussi le péché de la chair, et Rose se révèle être moins ingénue que l'on aurait pu le penser...

La trame du roman est une assez classique histoire de meurtre, de brigands, de chantage, de règlements de compte, mais tout cela est un prétexte pour Greene, un décor pour camper sa vision du monde (assez proche de l'enfer...) et donner libre cours à ses interrogations sur le catholicisme. La religion est en effet un élément clé de ce roman, bien que le sujet n'apparaisse que tardivement, dans un dialogue entre Rose et Pinkie :

"- Je ne m'occupe pas du tout de religion. L'enfer, il est ici. On n'a pas besoin d'y penser. Jusqu'au moment de mourir. Tu sais ce qu'on dit : «Entre l'étrier et le sol, il chercha quelque chose et le trouva.»
- La miséricorde.
- Oui, la miséricorde."
(p.199)

La place du catholicisme dans l'oeuvre de Greene lui a rapidement valu d'être catalogué comme "écrivain catholique", un "épithète détestable" selon l'auteur lui-même, mais si la réflexion sur la religion est présente dans le roman, je n'y ai perçu aucun prosélytisme.

S'il semble être communément admis que des connaissances religieuses permettent de décrypter l'oeuvre de Greene, je n'ai en revanche rien lu concernant la place de la psychanalyse, qui fournirait pourtant bien des explications à la personnalité tourmentée du Gamin, à ses rêves et à ses hallucinations. Le tableau que dresse Greene de son personnage à la "virginité aigrie" (p.369) semble avoir été inspiré de réflexions dans ce domaine, comme le montre cet extrait :

"Elle se leva et, dans un éclair, il vit la peau de sa cuisse, au-dessus de la soie artificielle ; une pointe de désir sexuel le secoua comme une nausée. Voilà pour finir ce qui arrive : la chambre sans air, les enfants éveillés, la gymnastique du samedi soir dans l'autre lit. Personne ne pouvait donc y échapper ? Nulle part ? Ça valait la peine d'assassiner tout le monde." (p. 202)

Si vous ne voulez vous y casser les dents comme sur la fiandise qui a donné son titre au roman, il vous faudra peut-être comme moi persévérer pour venir à bout de cette longue fable sur la miséricorde, mais le jeu en vaut la chandelle : l'écriture est admirable et le roman recèle de scènes très fortes bien que souvent tristes et cruelles...

"Je n'ai jamais changé. C'est comme ces bâtons de Rocher : mordez-les tout du long, vous lirez toujours Brighton. C'est la nature humaine" (p.424)

"Rocher de Brighton" de Graham Greene Pas mal du tout
Robert Laffont, Pavillons poche, 526 pages, 9.90 €.

Merci à Blog-o-Book et aux Editions Robert Laffont, qui m'ont envoyé ce roman.

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Commentaires
F
J'aimais bien les bouquins de Graham Greene mais c'était il y a longtemps... et je ne connais pas celui-ci. <br /> À priori, ce livre me tenterait bien mais comme ma PAL est bourrée à craquer, j'irai voir à la bibliothèque s'il est disponible.
L
La couverture me laisse perplexe. Une sorte de métaphore sûrement.
Z
Je me sens un peu bête car j'ai lu plusieurs romans de Greene (par ex. Notre agent à la Havane, Un Américain bien tranquille...) mais je n'ai jamais vraiment perçu cet aspect religieux. Ca m'intrigue tout ça.
L
J'ai lu "The End of the Affair" l'été dernier, sans rien savoir de l'auteur, et ses réflexions sur la religion m'ont passablement énervée. Malgré ce que tu dis, je reste méfiante. Mais j'avais aussi trouvé que l'écriture de Greene était très belle.
M
Voilà une éternité que je n'ai plus rien lu de lui! J'en suis restée à "La puissance et la Gloire" et le "Troisième homme". L'aimerais-je encore? je me demande!
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