Génération X - Douglas Coupland
Voici une relecture qui comptait beaucoup pour moi. En effet, j'ai lu ce livre il y a une quinzaine d'années, et je le cite régulièrement parmi mes lectures préférées. Or, je me demandais ces derniers temps si ce n'était pas finalement la fougue et l'insouciance de ma jeunesse (sic) qui m'avaient fait apprécier ce roman. À 35 ans (j'arrondis un peu), je me lance donc dans cette expérience de relecture afin de savoir si oui ou non, je suis devenu un vieux con l'âge peut influencer la perception d'une oeuvre...
"Génération X" n'est pas un livre facile à résumer. Je ne broderai pas autour de la question de la difficulté à résumer certains livres et des différentes manières de s'y prendre, je vous ai déjà fait le coup... Cette fois-ci, il faut vraiment que je m'y colle. Pour faire simple, on peut dire que "Génération X" raconte la vie de trois américains trentenaires de Palm Springs (Californie), un peu paumés, qui ont décidé de vivre en marge de la société dans leurs bungalows et passent le temps entre jobs inintéressants et histoires du soir autour du feu.
"Dans leur quête parallèle d'une vérité personnelle, elles se sont délibérément mises en marge de la société, et ça, je crois, ça demande du courage."
Avant de lire la moindre ligne, le livre étonne par sa mise en page, avec des marges larges qui sont autant d'espaces pour y placer des slogans parfois fantaisistes, de courtes définitions et des illustrations pop art (signées Paul Leroche), une présentation qui accentue l'aspect "rebelle" du roman et qui n'est pas dérangeante, bien au contraire. Les titres des chapitres eux-mêmes sont loin d'être anodins : "Quitte ton boulot", "Les expériences achetées ne comptent pas", "Reconstruis"...
Une fois lancé dans la lecture, le style est plutôt agréable. Les esprits chagrins pourront peut-être reprocher à l'auteur un usage immodéré de l'italique, qui donne parfois un côté un peu maniéré au récit, un tic qui n'est pas sans rappeler Nicholson Baker. À ce sujet, je me demande si la phrase "... casser un lacet en attachant sa chaussure vous jette instantanément sur un autre plan de conscience" n'est pas un clin d'oeil à "La mezzanine" de Baker (dont toute l'histoire repose sur cette expérience malheureuse de lacet cassé)...
"Maman, je n'ai pas envie de cadeaux pour Noël. Je n'ai pas envie de vivre avec des objets."
Mais au fait, qu'est-ce que cette génération X ? Pour Coupland, il s'agit des 20-30 ans (le roman a été écrit fin des années 80 et publié en 1989), ces après-Baby-Boomers qui gâchent leur vie dans des métiers insipides et sans avenirs (les "mac-jobs"). Une génération arrivée trop tard, dans une société de consommation qui n'apporte pas de réponse satisfaisante à leur volonté de donner un sens à leur vie qu'ils jugent absurde et sans relief. À noter que Coupland n'est pas l'inventeur de cette expression, si l'on en croit l'article (assez confus) sur Wikipédia.
"Nos systèmes centraux avaient disjoncté, brouillés par l'odeur des photocopies, du correcteur, le parfum des titres de bourse et le stress sans fin des boulots absurdes faits à contre-coeur et sans gloire."
Le livre aborde assez classiquement (voir mes lectures de Nicholson Baker ou Chuck Palahniuk qui expliquent mon attitude un peu blasée) le thème de la société de consommation mais aussi l'écologie, qui pointe le bout de son nez sous les blagues incessantes sur le nucléaire...
"Claire glisse du pop-corn scientifiquement traité dans le four à micro-ondes.[...] Je n'ai jamais l'impression de mettre de la nourriture dans ces trucs [...], j'ai plutôt l'impression d'introduire des barres de carburant dans un réacteur nucléaire."
Si vous aimez les récits au scénario compliqué et mûrement réfléchi, avec une "vraie histoire", vous pouvez cependant passer votre chemin. "Génération X" est un roman "blabla" truffé d'anecdotes, jouant sur les états d'âme et les opinions souvent cyniques des trois "héros" : Claire, Andy et Dag. C'est aussi un roman "d'ambiances". Toutes ces fameuses histoires que ce racontent les trois compères sont autant d'atmosphères différentes qui nous transportent dans des mondes différents. Certains moments sont très forts, mais toujours brefs. Coupland aime jouer sur la fugitivité des instants heureux et sait en faire ressentir l'émotion.
"J'avais la nostalgie de l'événement au moment même où il arrivait."
Alors, quel bilan 15 ans après ? Il me semble que le livre a bien vieilli et que son message est toujours d'actualité. Je comprends un peu moins bien cette volonté de vivre "en marge" et reste dubitatif face à l'apparent décalage entre les revendications et l'attitude finalement assez paisible voire passive des protagonistes, mais je comprends les interrogations de Coupland et je reste sensible à son style et à son humour ainsi qu'à ces quelques moments pleins de tendresse et d'émotion. Ouf.