Au coeur des ténèbres - Joseph Conrad
Je voulais commencer ce billet en décrivant le livre que j'avais entre les mains, mais l'adjectif petit, que l'on se devrait d'utiliser pour décrire l'objet convient si mal à un tel ouvrage, que j'ai fini par renoncer et m'en sortir par cette pirouette... Plutôt que petit roman, on parlera donc de grande nouvelle, mon édition étant malgré tout suffisamment conséquente car à la nouvelle se rajoute une longue introduction de Joseph Conrad en personne.
L'histoire commence ainsi : Marlow, un officier de la marine marchande britannique du début du siècle, raconte un soir à ses camarades sa découverte de l'Afrique et de ses mystères, et sa rencontre d'un étrange personnage : Kurtz.
"Il me semble que j'essaie de vous dire un rève - que je fais un vain effort, parce que nulle relation d'un rêve ne peut communiquer la sensation du rêve, ce mélange d'absurdité, de surprise, de confusion, dans un effort frémissant de révolte, cette notion qu'on est prisonnier de l'incroyable, qui est de l'essence même du rêve..."
Le récit de Marlow suit sa lente progression sur le fleuve Congo, à la recherche de Kurtz, trafiquant d'ivoire dont on est sans nouvelles depuis de longs mois... Cette remontée du fleuve le conduira au coeur des ténèbres...
"Nous pénétrions de plus en plus profondément au coeur des ténèbres. Quelle quiétude il y régnait !"
Sous les traits de Marlow se cache en fait Joseph Conrad lui-même, ce dernier ayant vécu une aventure similaire au Congo, en 1890.
Au coeur des ténèbres n'est pas un livre facile, mais il mérite les premiers efforts pour s'imprégner du style de Conrad. C'est un livre riche, mystérieux. On sent chez l'auteur une connaissance profonde de l'âme humaine : il décrit parfaitement notre indéniable fascination pour le Mal, incarné par le personnage tourmenté de Kurtz. Je suppose qu'il faut voir dans les contradictions de Kurtz une métaphore de nos errements entre le Bien et le Mal.
En revanche, et pour rester objectif, on pourra peut-être reprocher à Conrad une vision quelque peu caricaturale de l'Afrique, et assez réductrice, le continent étant dépeint comme un lieu de mystère et de magie, peuplé de "sauvages malheureux..."
Francis Ford Coppola s'est inspiré du récit de Joseph Conrad pour son film Apoclaypse Now, sorti en 1979. Même si l'action se déroule cette fois pendant la guerre du Vietnam, le réalisateur américain a su préserver à la fois le rythme lancinant et la noirceur de l'oeuvre originale.